Poisson d'Avril
Le Printemps est mage.
A dos de sauterelle, je voyage.
Au coeur de mes souvenirs, je surnage.
Un léger frimas voile ma vue et inhibe mon toucher, il fait froid.
Les bouts de mes doigts sont glacés, frigorifiés, inaptes à ressentir quoi que ce soit.
Moi qui ne jure que par ce sens, n'imaginant jauger l'essence autrement...
Me voila privée de cette tendance, de toute espérance.
Fini d'aller à l'âme, tout ne sera plus que tarmacadam.
Un furtif désespoir me malméne en résonance.
Ma revanche: il me reste mes autres sens.
Puis-je encore connaitre l'émouvance?
Je sens... Je sens...
Mais oui!
Je sens!
Mon locuste verdâtre me rapproche à grandes embardées de ce délicat fumet,
je suis un timonier.
Une naïve fragance peut ramener à ma conscience des vestiges du passé,
des visions oubliées.
Indescriptible est cette odeur, indélébile au plus profond de mon coeur.
Elle est liée au parcours même de ma vie, un jour, une effigie.
Il s'arrête, inactif, j'ai un présage olfactif.
ça y est, nous y sommes, il s'envole Silensol.
J'aime ce sentiment de plénitude quand je me nourris de sa quiétude.
Je viens me mettre au vert, je viens rêver d'air.
Je veux me ressourcer, de tout ce bruit, me libérer.
Facile de s'oublier dans un endroit si merveilleux où les abeilles dansent oscillantes.
Où sont les nids? Les nids d'oiseaux groseilles succulentes.
L'indécence de ma présence n'a d'égale que celle de mon absence.
Mon esprit s'évade un peu plus encore, je ne suis plus là, plus vivante en tout cas.
La redescente sera rude, je serai triste, incandescente.
Le poisson d'Avril est cataclysmique cette année, étrange secousse sismique.
Anaya, 2007